Collection : au secours, les spéculateurs reviennent !

"Money ! Get away !"

Collection : au secours, les spéculateurs reviennent !

"Money ! Get away !"

« Money ! Get away ! »

Ces derniers jours, Paris a été le théâtre de ventes aux enchères ayant défrayé la chronique : la maison Artcurial organisait la vente « on » à Rétromobile, tandis que Bonhams faisait sa vente « off » à la Halle Freyssinet. Ayant jeté un oeil aux voitures exposées par Artcurial, j’avais été frappé par l’état parfois perfectible des autos, et leurs valeurs estimées, franchement déraisonnables. Visiblement, les collectionneurs de 2012 ne partagent pas mon avis : la vente Artcurial a totalisé près de 14 millions d’euros – un record absolu en terre de France. Une telle surenchère ne peut qu’attrister les passionnés d’automobiles que nous sommes : elle atteste que les spéculateurs s’emparent à nouveau du marché de la voiture de collection.

À la fin des années 80, le monde est à un tournant. Les bourses perdent la tête : à un « lundi noir » en octobre 1987 (le Dow Jones plonge de 22,6 % en une seule séance !) succède un « mini-krach » en octobre 1989. Le 9 novembre 1989, le Mur de Berlin s’effondre. Moins d’un an plus tard, Saddam Hussein envahira le Koweit, déclenchant la première guerre du Golfe. Dans ce contexte pour le moins mouvementé, le marché de la voiture de collection s’enflamme. En novembre 1989, un record est même établi : un collectionneur japonais achète aux enchères une Ferrari 250 GTO pour la bagatelle de 13,3 millions de dollars. Un record, qui marque l’apogée d’une la bulle spéculative autour de la voiture de collection : la même auto sera revendue quatre fois moins cher cinq ans plus tard…

Ferrari 250 GTO (1962) © Vincent Desmonts

Ferrari 250 GTO (1962) © Vincent Desmonts

En ce début 2012, le monde est au moins aussi tourmenté, avec des places financières en berne que fuient des investisseurs échaudés par les scandales (Madoff, subprimes…), un cours des matières premières chahuté et une reprise économique qui tarde à pointer le bout de son nez. Bref, ceux qui ont de l’argent ne savent plus trop où le placer. Restent les valeurs sûres : l’immobilier et le marché de l’art.

Belle de loin, loin d'être belle, la Ferrari F40 ex-Mansell !

Belle de loin, loin d’être belle, la Ferrari F40 ex-Mansell !

Alors on achète. Tout, n’importe quoi… et surtout à n’importe quel prix. À la vente de Rétromobile, on a ainsi vu partir une Ferrari F40 un peu fatiguée pour plus de 370 000 €, au prétexte qu’elle fut pendant quelques mois la propriété de Nigel Mansell, alors pilote de la Scuderia. J’aimerais voir la tête du propriétaire lorsque son garagiste lui expliquera qu’il faudra rajouter une centaine de milliers d’euros pour rafraîchir l’auto !

Mercedes 280 SE Cabriolet

Mercedes 280 SE Cabriolet

Autre délire : l’engouement pour des modèles refaits à neuf ou affichant des kilométrages très faibles. On a ainsi vu partir une Mercedes 280 SE cabriolet de 1971 joliment restaurée pour plus de 150 000 € (soit trois fois sa cote chez LVA !) ou une 404 pick-up diesel (voiture de rêve par excellence !) adjugée à 23 000 €. Plus drôle ? Cette DS 23ie Pallas : une superbe auto, probablement la meilleure des DS, et restaurée dans les règles de l’art… mais vaut-elle vraiment les 173 000 € que son nouveau propriétaire à déboursés ? Pour ce prix, il aurait pu s’offrir un beau cabriolet, autrement plus exclusif… Enfin, quel est l’intérêt de payer près de 60 000 € une 2CV dont le seul fait d’armes est d’avoir été stockée pendant presque 50 ans et de ne totaliser, en conséquence, que 185 km au compteur ?

D'accord, une Citroën DS c'est trop. Mais 173 000 €, sérieusement ??

D’accord, une Citroën DS c’est trop. Mais 173 000 €, sérieusement ??

Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec Jay Kay, le chanteur du groupe Jamiroquai, véritable dingue de bagnoles, collectionneur invétéré. À l’inverse des fans de naphtaline qui ont accouru à la vente Artcurial de Rétromobile, Jay Kay fait rouler ses voitures, lui. Et beaucoup. D’abord par plaisir. Mais aussi par goût du partage. « Je n’achète pas des voitures pour spéculer », expliquait-il voici quelques années aux journalistes de l’émission britannique Top Gear à qui il montrait sa superbe Lamborghini Miura. « Pas comme ces idiots qui les cachent, empêchant les enfants d’aujourd’hui de les admirer. Ces gamins ne sauront jamais ce que c’est d’être dépassé par une Miura roulant à 220 km/h ! » (voir la vidéo ci-dessous pour l’extrait complet).

Après avoir payé une 170 000 € une DS ou 60 000 € une 2CV, on imagine bien que leurs nouveaux propriétaires les laisseront au garage, par souci de préserver leur investissement. Et c’est triste. Car contrairement à une toile de Rembrandt ou une sculpture de Houdon, une automobile est de l’art en mouvement, une construction mécanique qui ne demande qu’à être utilisée. La remiser à vie dans un garage est une insulte à ceux qui l’ont conçue et construite. Et comment peut-on espérer récupérer l’investissement à la revente ? Payer de telles fortunes pour des voitures dans un état imparfait ou produites en (très) grande série tient du non-sens, y compris sur le plan purement économique.

"Vends 2CV, très bon état, faible kilométrage... 60 000 €"

« Vends 2CV, très bon état, faible kilométrage… 60 000 € »

Bref, préparons-nous à voir une nouvelle bulle éclater. Du moins, souhaitons-le, car la voiture de collection doit rester accessible, aux acheteurs potentiels comme aux simples amateurs ayant plaisir à croiser l’une de ces belles dames dans nos rues.

3 commentaires

comments user
soipon

Je déteste les spéculateurs qui font flamber les prix. Ils empêchent ainsi des voitures populaires de continuer à vivre, ceci parce que des personnes de jeunes générations ne peuvent les acquérir, faute de moyens. Ainsi, des passions ne peuvent se transmettre, ou difficilement, par la faute de ces rapaces . Les spéculateurs, c’est vraiment une race de merde.

comments user
Floridetti Francesco

Le speculateur :par definition n’est pas « bon » , mais je pense que pour etre amateurs il n’est pas obligatoire avoir des voitures de prestige  » eleve »…car meme l’entretien est tres important et couteux s’il est fait correctement , j’ai mis une vie pour avoir quelques pieces interessantes que j’echangerai volontier pour continuer ma passion , et je pense que je pourrai peut-etre rialiser cela : aussi grace aux speculateurs …cordialement …

comments user
autosimport.ch

Tout beau avoir facilement mais, sachez que les voitures de collection et leur pièces sont très rares. Donc, il est logique que la spéculation trouve une bonne place pour se développer.

You May Have Missed