Pollution : et si on trouvait de vraies solutions ?
La France est tout juste en train de sortir d’un épisode de pic de pollution qui a fait la une de tous les journaux et été le centre de toutes les discussions. Hasard du calendrier, c’est arrivé pile dans la dernière ligne droite d’élections locales, période propice à tout genre de surenchère et de récupération politique. Ça n’a pas raté, la gauche, la droite et les verts se livrant à un théâtre d’indignation et d’accusations en tous genres. Ce vaudeville a culminé aujourd’hui, avec la ridicule exhumation de la circulation alternée, mesure inventée à la fin du XXe siècle et aujourd’hui totalement anachronique. Mais au final, rien n’a changé. Et si l’on cherchait plutôt de vraies solutions durables ?
Cela faisait longtemps que je n’avais pas écrit sur ce blog. Mais ce tweet de l’inénarrable Denis Baupin, député de Paris, m’a incité à prendre la plume virtuelle :
Du fait du résultat positif de la circulation alternée, pas besoin de la poursuivre demain. La démonstration est faite de la pertinence
— Denis_Baupin (@Denis_Baupin) 17 Mars 2014
La « pertinence » de la circulation alternée reste pourtant largement à prouver ! Rappelons que cette mesure remonte aux années 90, époque où les véhicules non catalysés étaient encore très nombreux dans le parc automobile français et où le filtre à particules n’avait pas encore été inventé sur les moteurs diesel. À l’époque, avoir la fameuse « pastille verte » (attribuée uniquement aux voitures catalysées) était d’ailleurs le sésame pour prendre sa voiture en cas de pic de pollution, quelque soit son numéro d’immatriculation.
Ce lundi 17 mars 2013, donc, on a ressorti des placards cette mesure appliquée pour la première et seule fois le 1er octobre 1997. Ce jour impair, donc, seules étaient autorisées à rouler les autos dotées de plaques impaires, plus les modèles électriques, hybrides ou fonctionnant au GNV (gaz naturel). C’est ainsi que Monsieur Bidule, propriétaire d’un modèle essence récent répondant aux dernières normes Euro V, a du prendre les transports, car son auto était en plaque paire. À l’inverse, Madame Truc, détentrice d’une voiture diesel de plus de dix ans à l’entretien peu suivi et bien évidemment dénuée de filtre à particules, a pu elle prendre le volant, grâce à son sésame : une plaque impaire ! On le voit, la « pertinence » de la circulation alternée en cas d’alerte pollution aux particules fines saute aux yeux !
D’une manière générale, la logique des politiques menées ces dernières années en matière d’automobile et d’écologie est du même tonneau. Comme ce bonus/malus instauré en 2008, dont le seul critère, l’alpha et l’oméga, est le taux de CO2 émis par kilomètre. Louable pour lutter contre le réchauffement climatique et préserver les ressources pétrolières. Nettement moins bon pour nos bronches, puisque le critère du CO2 favorise le diesel, émetteur de particules, d’oxydes d’azote (NOx) et autres joyeusetés. On a ainsi vu des citadines diesel sans filtre à particules bénéficier de 700 € bonus, afin de remercier son acheteur pour son acte citoyen. On marche sur la tête !
Et en 2014 ? Rien n’a changé : on continue d’utiliser le CO2 comme unique critère pour attribuer le bonus. Heureusement, on peut remercier l’Europe et sa norme Euro V, qui a généralisé le filtre à particules, contribuant ainsi à ménager notre santé. Avec la future norme Euro VI (dès septembre prochain), ce sont les oxydes d’azote qui baisseront fortement, réglant au passage le problème de la pollution automobile.
Reste que si le problème sera résolu sur les modèles neufs, il ne le sera pas pour l’ensemble du parc. En France, ce dernier vieillit, et met donc de plus en plus de temps à se renouveler. On peut y voir l’impact de la crise économique, bien sûr, mais aussi de la répression routière et de la condamnation répétée des méfaits de l’automobile, qui ont conduit à un désenchantement des Français en la matière. La voiture est désormais un outil que l’on garde le plus longtemps possible… en l’entretenant le moins possible. Et l’idiotie totale de la circulation alternée ne va pas changer cette situation, comme on l’a vu.
Alors, que faire ?
- Encourager l’utilisation des transports en commun ? C’est ce qui a été fait ces derniers jours, avec la gratuité… et des résultats mitigés. Visiblement, l’offre ne satisfait pas : densité insuffisante de banlieue à banlieue, parkings-relais inexistants ou trop petits, pannes et retards de plus en plus fréquents, rames bondées aux heures de pointe… Si bien que l’on en vient à préférer les bouchons, un comble !
- Favoriser le covoiturage ? Sa formule a trouvé sa clientèle pour des trajets occasionnels longs (le Paris-Lyon hebdomadaire, facile à organiser), elle paraît peu adaptable aux trajets pendulaires quotidiens. Sur les conseils de mon confrère Olivier Razemon, spécialiste des transports, j’ai testé l’appli de covoiturage domicile-travail Wayz-Up. Échec : apparemment, personne n’a les mêmes horaires que moi, qui traverse pourtant des zones denses, autant en population qu’en trafic (Boulogne-Billancourt, périphérique sud). À l’heure des RTT et des plannings élastiques, il est peu probable que mon voisin, si par hasard il travaille le long de mon trajet, ait les mêmes horaires que moi. Et si jamais c’est le cas, que faire quand la traditionnelle réunion de 17 heures s’éternise ? Ou qu’il faut en outre chercher les enfants à l’école ou à la crèche ?
- Encourager la pratique du vélo ? Franchement, si l’on n’a pas réussi à convaincre les automobilistes de prendre des transports en commun gratuits, je vois mal comment persuader le cadre en costume-cravate ou la working girl en tailleur-pantalon de se mettre au vélo ! De toutes manières, la bicyclette reste un moyen de déplacement sur des distances relativement courtes, or l’automobiliste français effectue en moyenne 34 km par jour. À moins de participer chaque année au Tour de France, ça fait beaucoup de vélo dans une journée !
- Rapprocher les Français de leur lieu de travail ? Alors là, mon vieux, c’est un vaste programme ! À l’heure où les gens rêvent d’un pavillon avec un jardin pour les enfants, que les parisiens intra-muros restent traumatisés par la tour Montparnasse et le quartier du Front de Seine, la densification des villes n’est pas pour tout de suite ! Ce serait pourtant le passage obligé pour que les gens réduisent la distance qui sépare leur habitation de leur bureau.
Bref, le seul levier véritablement efficace contre la pollution est le renouvellement du parc auto. En effet, les 10 % de véhicules les plus anciens représentent à eux seuls 40 % des émissions. C’est sur ces 10 % qu’il faut agir en priorité. D’abord, en ressortant du placard les ZAPA, ou Zones d’action prioritaires pour l’air, dans lesquelles ne seraient autorisées à circuler que les modèles les plus récents (et donc les plus « propres »). Cette mesure, issue du Grenelle II, a été courageusement glissée sous le tapis peu avant les dernières élections présidentielles. On serait bien inspirés d’y repenser, car cela aurait nettement plus de logique que l’idiote circulation alternée.
Et surtout, il faudrait réformer ce bonus/malus écologique, aussi néfaste pour nos bronches que pour l’industrie automobile. Ne pas le calculer uniquement en fonction du CO2, mais également des particules et des NOx. Et l’étendre aux véhicules d’occasion, afin de toucher également les populations qui n’ont pas les moyens de s’offrir une voiture neuve (rappelons qu’il se vent une auto neuve pour cinq d’occasion).
Alors là, oui, on pourra dire qu’on aura agi dans le bon sens. Tout le reste n’est qu’agitation de vent… et autosatisfaction sur Twitter.
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