Découverte : le musée oublié de la « Vallée des moteurs »
Cet été, j’ai passé trois semaines dans le nord de l’Italie : Gênes, Pise, Bologne, Vérone… Villes superbes, palais magnifiques, musées d’une grande richesse… sans parler bien entendu de la délicieuse cuisine et des vins généreux ! Mais un voyage dans cette partie de l’Europe serait totalement incomplète sans un pèlerinage dans la « Motor Valley », la Vallée des moteurs. Un petit bout d’Émilie-Romagne situé entre Parme et Bologne où se concentrent quelques-unes des marques automobiles les plus légendaires : Ferrari, Maserati, Lamborghini, Pagani ou encore Bugatti (époque Romano Artioli) y ont installé leur siège et leurs usines. Certaines d’entre elles y entretiennent savamment la magie par le biais de musées, comme Lamborghini et Ferrari (qui en a deux, l’un à Maranello, l’autre à Modène !). Mais à côté de ces passages obligés, il existe une collection tombée dans l’oubli : celle d’Umberto Panini.
Le nom Panini est connu dans le monde entier pour ça :
En 1961, deux marchands de journaux de Modène, Giuseppe et Benito Panini, eurent l’idée de ces vignettes de footballeurs à coller dans des albums. Le succès est immédiat, et les associés sont rejoints par deux autres membres de la fratrie, Franco et Umberto. En 1988, les quatre frères revendent l’affaire et sont multimillionnaires. Umberto, de son côté, a déjà profité de cette fortune pour acheter des terres agricoles dans les environs de Modène, où il a lancé une ferme biologique spécialisée dans la production de… parmesan. Jusqu’ici, aucun lien avec l’automobile, vous me direz. J’y viens !
En mai 1993, le groupe De Tomaso vend Maserati au géant Fiat. La transaction concerne l’usine, les actifs, mais pas la collection de modèles et moteurs historiques, détenue par une filiale de Maserati que Fiat n’a pas jugé bon de reprendre. Malgré tout, les autos en question restent sous la protection de Maserati. Une exposition est organisée au salon de Bologne l’année suivante, pour célébrer les 80 ans de la marque, et un musée est même ouvert au public quelques mois plus tard. Las ! Les peintures ont à peine eu le temps de sécher qu’en 1996, De Tomaso manifeste son désir de récupérer les autos. Dix-neuf voitures sont donc acheminées de Modène à Londres, pour y être vendues aux enchères.
La nouvelle fait grand bruit à Modène, où l’on craint la dispersion d’un patrimoine historique de première grandeur. Le maire, Giuliano Barbolini, sonne le rappel des troupes afin de trouver une solution au problème. L’affaire remonte jusqu’au Ministre de la Culture d’alors, Walter Veltroni. On approche Umberto Panini, figure locale dont le portefeuille bien garni peut aider à rapatrier les 19 Maserati au bercail. Panini accepte, et la vente aux enchères londonienne est annulée.
Dix-huit ans plus tard, Umberto Panini n’est plus de ce monde (il s’est éteint en novembre 2013, à l’âge de 83 ans), mais les voitures en question sont toujours sur sa propriété de Modène, baptisée « Hombre », du surnom qu’on lui avait attribué lorsqu’il s’était exilé au Venezuela dans l’espoir d’y faire fortune. Le lieu semble oublié de tous : vous ne trouverez pas de brochure ni de dépliant publicitaire, c’est seulement par bouche à oreille que l’on a vent de ce musée très particulier. On y accède par l’entrée principale de la ferme Panini, après être passé devant les étables où se bousculent d’opulentes vaches. Le bâtiment des collections est une vaste grange d’allure anonyme, devant laquelle est garée une rangée de tracteurs anciens.
Ici, pas de gardien ni de caisse : l’entrée est libre. Et si jamais la porte ne s’ouvre pas, il ne faut pas hésiter à se rendre dans la boutique voisine pour demander l’accès. Un fermier chaussé de bottes en caoutchouc viendra alors vous ouvrir, puis vous laissera seul en compagnie d’une des plus étonnantes collections d’automobiles au monde.
Évidemment, le gros du plateau est constitué des 19 Maserati sauvées de l’exil par Umberto Panini. On compte deux modèles d’avant-guerre, dont cette 6C de 1934, dotée d’un 6 cylindres en ligne de 3,7 litres.
Toujours en compétition, on note également cette impressionnante 250F de 1957 (à droite sur la photo), monoplace produite à 22 exemplaires et dotée d’un V12 conçu par Giulio Alfieri. Ce modèle décrochera 38 victoires en 566 courses, avec des pilotes tels que Juan Manuel Fangio ou Stirling Moss.
En 1961, la Maserati Birdcage Tipo 63 reprendra le V12 de la 250F, mais en l’intégrant dans un délicat châssis tubulaire qui lui vaudra ce surnom de « cage à oiseaux ». Seules 7 Tipo 63 ont été fabriquées.
Du côté des Maserati de route, on notera cette sublime A6G 2000 « Allemanno », GT raffinée dotée d’un 6 cylindres en ligne à double allumage de deux litres. Sa carrosserie en aluminium habille un châssis tubulaire.
Voici, en vrac, quelques autres Maserati de la collection Panini :
Mais la collection Panini, c’est aussi d’autres voitures italiennes (avec notamment une belle Lancia Lambda), des allemandes (Mercedes 300 SL), des françaises (dont une rarissime Roland-Pilain, marque française disparue en 1932), ainsi que des motos. De quoi passer un moment magique, en tête à tête avec de belles mécaniques !
Pour en savoir plus : le site de la Collection Umberto Panini. Merci à Franck sans qui je serais passé (comme tant d’autres !) à côté de ce beau musée.
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