Cinéma : Sully, le Miracle de l’Hudson vu par Eastwood
Le 30 novembre sort sur les écrans français « Sully », inspiré de la folle histoire de l’amerrissage d’un avion de ligne dans l’Hudson River, au pied des tours de Manhattan, sans faire aucune victime ! Signé Clint Eastwood, avec Tom Hanks dans le rôle-titre du commandant Chesley Sullenberger, « Sully » s’attache moins à la catastrophe elle-même qu’à l’enquête qui l’a suivi et aux questionnements intimes d’un homme rigoureux et passionné par son métier.
15 janvier 2009, 15:25, aéroport de LaGuardia : le vol 1549 de la compagnie US Airways s’élance de la piste 4 à destination de Charlotte, en Caroline du Nord. Un service de routine, comme il y en a des centaines chaque jour aux États-Unis. L’Airbus A320 est en pleine ascension lorsque, tout juste deux minutes après le décollage, il heurte une formation de gros oiseaux. Les volatiles sont avalés par les réacteurs, qui perdent instantanément toute leur puissance. À une altitude aussi critique (2 818 pieds, soit seulement 859 m), c’est le pire des scénarios ! Et pourtant, le commandant Chesley « Sully » Sullenberger et son copilote, Jeff Skiles, vont parvenir à sauver les 150 passagers et tout l’équipage en effectuant un spectaculaire amerrissage sur l’Hudson River, sous les fenêtres des buildings de Manhattan, six minutes après le décollage. Les 155 personnes à bord seront évacuées et récupérées par les nombreux navires effectuant la liaison entre New York et le New Jersey, Sullenberger étant le dernier à quitter l’appareil.
L’événement aura un retentissement mondial. La présence de nombreux témoins et d’équipes de journalistes à proximité assurera une couverture médiatique immédiate à l’incident, qui est rapidement surnommé « le Miracle sur l’Hudson ». Quant à « Sully » Sullenberger, il est aussitôt érigé en héros national d’une Amérique en pleine crise économique, d’une ville de New York hantée par le spectre 11-Septembre, en mal de bonnes nouvelles.
Voilà pour l’histoire telle que tout le monde la connaît. Mais ce qui intéresse le réalisateur Clint Eastwood, ce ne sont pas vraiment ces fameuses et décisives 208 secondes qui se sont écoulées entre l’impact des oiseaux et l’amerrissage forcé. D’ailleurs, il n’y revient qu’à l’occasion de quelques flash-backs. Non, ce qui intéresse Eastwood, c’est Sully lui-même. Un héros très discret, qui ne comprend pas vraiment ce qui lui arrive, ni tous ces inconnus qui viennent l’embrasser… ou le draguer !
Les jours suivant l’amerrissage, Sully et son copilote ne trouvent pas le sommeil. Sully fait d’affreux cauchemars, où il vit un scénario-catastrophe façon 11-Septembre, l’Airbus s’écrasant sur les tours de Manhattan. Il doute. A-t-il vraiment fait de son mieux ? Aurait-il dû faire demi-tour et revenir se poser à LaGuardia, comme le suggèrent à posteriori les simulations des experts du bureau d’enquêtes américain (NTSB) ? Ou poursuivre jusqu’à Teterboro, à 7 milles nautiques de là, dans le New Jersey ?
Il est comme ça, Sully : passionné par son boulot, amoureux du travail bien fait, hanté par l’idée d’avoir mis en danger la vie de 154 autres personnes. Son cas (très) particulier est l’occasion pour Clint Eastwood de célébrer l’artisan expérimenté et obsessionnel. Ses contacts téléphoniques avec son épouse, où règnent non-dits et embarras, laissent entendre que Sully est un pur technicien, pas spécialement à l’aise avec les contacts humains. Mais aussi un homme habité par l’incertitude, toujours en train d’apprendre, se remettant perpétuellement en question. Ce Sully perclus de doutes se sent presque un imposteur aux yeux de tous ces gens qui le portent aux nues du jour au lendemain.
« Sully » aurait pu être un énième film-catastrophe, misant tout sur le spectaculaire, les effets spéciaux et les séquences larmoyantes. Il est l’exact opposé. C’est un film de l’intime, du personnel. Bien sûr, les flash-backs sur l’incident sont particulièrement bien rendus. Nous sommes littéralement dans le cockpit, avec Sully et Skiles. Mais pour le reste, c’est à dire l’essentiel du film, c’est l’interprétation ultra-sobre de Tom Hanks qui fait la différence.
Le film se veut par ailleurs exact sur le plan technique : le vocabulaire est précis, la phraséologie radio respectée, les conversations du cockpit sont celles qu’ont enregistré les boîtes noires. Les auteurs se sont cependant autorisés quelques écarts part rapport aux faits, que recense l’ami Xavier Tytelman sur son blog, probablement pour rendre le récit plus intelligible aux yeux du spectateur. Plus gênant : Eastwood charge la barque du bureau d’enquête américain (NTSB), dont l’investigation – systématique après ce genre d’incident – prend ici des allures de chasse aux sorcières. Une vision négative que l’une des membres du bureau a dénoncé à la sortie du film.
Ces petites réserves ne remettent cependant pas en cause l’intérêt de ce film tourné à hauteur d’homme. Celle d’un homme dont la vie toute entière a été bouleversée par ces fameuses 208 secondes. Sully Sullenberger a lui pris sa retraite le 3 mars 2010. Il est aujourd’hui consultant… et continue bien évidemment de piloter pour son plaisir.
Bonus : Tom Hanks, Aaron Eckhart et Chesley « Sully » Sullenberger sont passés à Paris pour la promotion du film. Vous trouverez sur le blog de Claire un compte-rendu de cette conférence de presse.
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