Publicité auto : faites-nous rêver !
Le quotidien Les Échos publie aujourd’hui un intéressant article sur la publicité auto (en ligne et page 14 du journal papier), intitulé « Comment faire renaître le désir d’automobile ». On y apprend que les constructeurs préfèrent paradoxalement vanter leurs produits de manière indirecte, à travers les paillettes du cinéma ou les sports « propres » (voile, ski…). « Auparavant, dans la publicité, la catégorie automobile était reine, car étant très créative, elle faisait rêver. Aujourd’hui, c’est loin d’être le cas », explique même dans cet article un publicitaire nostalgique. Sans blague ! Hé, coco, pour info, si Van Gogh n’avait pas été créatif, on n’en aurait jamais parlé !
Aujourd’hui, la publicité auto est frileuse. Terrorisés à l’idée de se faire « ramasser » par l’ARPP (ex-BVP) ou par les lobbies écologistes, les constructeurs ne veulent plus prendre le risque d’innover, d’oser. La crise que traverse actuellement le marché automobile ne fait qu’amplifier le phénomène : je ne sais pas si vous avez remarqué, mais ces dernières années les pubeux nous ont davantage vendu des remises que des voitures. C’est vrai qu’une étiquette de prix, ça fait rêver dans les chaumières.
Et quand la méga remise n’est pas l’argument numéro un, on nous vend de l’écologie, de belles autos peintes en vert, comme dans la navrante publicité pour la Citroën C4, avec son système e-HDi « micro-hybride » (quelle appellation pompeuse !).
Bref, à part quelques fulgurances comiques, la pub auto d’aujourd’hui affiche un encéphalogramme plat. Mais comment a-t-on pu tomber aussi bas ?
Rappelez-vous, les années 80, c’était il n’y a pas si longtemps. L’époque où le permis à points restait à inventer, où l’on fumait des Gauloises au volant de sa Peugeot 305 et où Ronald Reagan armait les moudjahidine en Afghanistan. En ce temps-là, la publicité auto affichait une débauche de moyens, comme pour le désormais légendaire spot « Agent secret » pour la Peugeot 205 GTI (signé Gérard Pirès, qui réalisera Taxi des années plus tard) :
Dans les années 80, Jacques Séguéla ne divaguait pas encore sur « la saloperie d’internet » et les Rolex avant 50 ans. Il imaginait pour le lancement de la petite Citroën AX une campagne « révolutionnaire » à forte consonance chinoise, surfant sur le dynamisme des réformes économiques de Deng Xiaoping. La Muraille de Chine, pour une simple AX, c’est déjà la classe. Mais avec en plus un message autour de l’émergence du géant chinois, c’est encore plus fort. Dynamisme, ouverture, voiture représentée comme un puissant outil de liberté (y compris pour la femme) : un sacré bol d’air en comparaison avec nos publicités sentant le renfermé ! En fait, ce qui a le plus vieilli, c’est la musique de Julien Clerc…
Citroën récidivera l’année suivante pour le lancement de l’AX 5 portes, que l’on verra gravir les pentes tibétaines jusqu’au palais de Potala où elle amène… le nouveau Dalaï Lama. Rien que ça !
Pour le coup, une telle publicité ne fait pas d’apologie de la vitesse, on n’y dégrade pas l’environnement. Le message est clairement positif et valorise la voiture et son rôle social. Alors, qu’on ne me fasse pas croire que le contexte écologico-légal est un frein à la créativité ! Pour paraphraser un slogan devenu célèbre : en France, on n’a pas de pétrole… mais on n’a pas non plus d’idées pour la publicité.
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