La minute cinéphile : Duel
Les fans de science-fiction sont en deuil : Richard Matheson, auteur de Je suis une légende ou encore de L’Homme qui rétrécit nous a quittés le 23 juin dernier. Mais l’écrivain s’est également intéressé au cinéma, et a signé l’adaptation d’une de ses nouvelles, que tous les cinéphiles connaissent bien : Duel. Premier long-métrage d’un jeune réalisateur alors inconnu, un certain Steven Spielberg, Duel raconte l’impitoyable et surréaliste course-poursuite entre un paisible père de famille et un camionneur sans visage aux commandes d’un terrifiant poids-lourd. Chef d’œuvre de mise en scène, Duel propulsera définitivement la carrière de Spielberg.
David Mann (Dennis Weaver) est un obscur employé commercial qui sillonne le pays aux commandes de sa modeste Plymouth Valiant. Mann est un homme faible, qui peine à tenir tête aux autres, ce que sa femme ne manque pas de lui reprocher au téléphone. Mais son univers va brutalement basculer lorsqu’il va croiser le chemin d’un vieux camion-citerne Peterbilt rouillé.
Au début, Mann n’y prête pas vraiment attention. Encore un idiot sur la route, se dit-il. Mais lorsque le chauffeur le fait passer à deux doigts d’un accident mortel en lui faisant signe de le dépasser alors qu’une voiture arrive en face, David Mann comprend que tout a basculé. « And then one stupid thing happens. It’s like there you are, back in the jungle again. » (« Et d’un coup, un truc stupide arrive. Et vous voilà de retour dans la jungle. »)
Duel n’est pas qu’une histoire de « road rage », ce terme inventé par les Américains pour décrire cet état de fureur meurtrière qui peut saisir l’automobiliste excédé. Duel est bel et bien l’histoire d’un homme ordinaire poussé dans ses derniers retranchements, dans un monde où les normes de vie en société semblent s’être totalement déréglées. Pour survivre, David Mann devra se résigner à se battre contre quelque chose et quelqu’un qu’il ne comprend pas. Ce père de famille rangé adepte d’une vie paisible devra s’affirmer comme un mâle alpha. Une affirmation de virilité qui sera autant une libération qu’une plongée dans l’inconnu.
Au delà de son scénario aussi simple que puissant, Duel est aussi une démonstration éclatante du talent d’un réalisateur. D’abord, Spielberg a tenu à « caster » le camion : le choix d’un Peterbilt modèle 1955 n’est pas du au hasard. Avec son pare-brise en deux parties, son imposante calandre et ses deux phares ronds, ce semi-remorque a des allures de bête monstrueuse. Quant à la voiture rouge, sa couleur la fait particulièrement bien ressortir sur les paysages désertiques de la Californie.
Ensuite, les cadrages sont splendides. Spielberg filme au plus près de Dennis Weaver et de l’action, avec des travellings spectaculaires, moult contre-plongées et gros plans sur les rétroviseurs, où la proie guette anxieusement son prédateur. Réalisé avec des moyens très modestes (budget de 450 000 dollars) et initialement destiné à la télévision américaine, Duel sera tant salué par la critique qu’il bénéficiera d’une sortie en salles en Europe. Et deviendra très vite un film culte. Après Duel, Steven Spielberg réalisera Sugarland Express, avec Goldie Hawn, puis Les Dents de la mer (Jaws), succès planétaire qui achèvera de faire la réputation de l’auteur.
Comment, vous n’avez pas encore vu Duel ? Alors achetez vite le DVD, vous ne le regretterez pas ! Pour vous mettre en appétit, voici un extrait de la terrible course-poursuite :
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