Le « low-cost » façon Dacia, c’est déjà dépassé ?
Il y a quelques années, on ne parlait que de ça : Renault, par l’intermédiaire de sa filiale roumaine Dacia, allait bouleverser le marché automobile en vendant une vraie voiture, neuve, fiable et sûre, à seulement 7 500 €. L’industrie n’allait pas s’en remettre, voyant ses parts de marché et ses marges s’effondrer devant la vague « low-cost » venue de l’Est. Sept ans (déjà !) après le lancement de la Logan, pourtant, la révolution annoncée n’a pas eu lieu, et les ventes de Dacia marquent même des signes d’essoufflement. Comme si le « low-cost » avait davantage été une mode passagère qu’un vrai bouleversement. Alors, Dacia, c’est has-been ?
On n’en finissait plus de s’étonner du succès de Dacia ! La marque était pourtant inconnue en France il y a dix ans – et devait le rester, Renault n’ayant initialement pas cru bon de l’importer sur les marchés occidentaux. Cela n’a pas empêché la marque roumaine de connaître une percée spectaculaire, jusqu’à pointer à la 6e place du marché hexagonal l’an dernier, devant Opel ou Fiat, avec plus de 110 000 voitures vendues !
Les recettes de ce succès, on croyait les connaître : des produits simples et sans chichis, réutilisant un maximum de composants existants, produits au coût le plus bas possible (et tant pis pour les ouvriers roumains, obligés de lancer une grève illimitée au printemps 2008 afin d’obtenir des salaires décents) et affichés à prix imbattable et sans remise. La Dacia Logan devenait une sorte d’emblème de l’après-bagnole, le talisman d’une société lasse de la consommation à outrance, un totem pour une nouvelle race d’acheteurs de voitures neuves, lassés du marketing et de la sophistication.
Mais voilà qu’aujourd’hui la tendance semble s’infléchir. Au premier semestre 2011, Dacia a trébuché, avec des ventes en recul de 22%. Dacia a d’ores et déjà rendu sa sixième place au classement des ventes à Opel, et si la tendance se confirme, les Logan, Sandero et autres Duster repasseront sous la barre des 100 000 exemplaires vendus par an.
Il y a plein d’explications d’ordre rationnel à ce phénomène. D’abord, l’arrêt de la prime à la casse, qui pèse lourd pour une marque aussi abordable. Ensuite, une pénurie de moteurs diesel 1.5 dCi (K9K) : s’attendant à une chute de la demande sur le marché français, le groupe Renault avait revu à la baisse ses plannings de production. Or la demande s’est maintenue, déjouant ces prévisions pessimistes. Il faut encore ajouter à cela la quasi-disparition du marché GPL, torpillé par l’abandon du bonus de 2 000 € en vigueur depuis 2008, or ce marché était largement dominé par Dacia.
J’ajouterais que Renault a fort astucieusement créé les conditions d’une belle concurrence interne en bradant certains des modèles au losange : entre petites séries limitées et grosses braderies, certaines Clio, Modus ou Scénic se retrouvent quasiment au tarif des Dacia équivalentes. Bravo les gars, vous avez tout compris !
Mais ce revirement est sans doute aussi conjoncturel qu’a été le succès de Dacia. Et bien que l’Insee clame que les français ont toujours le moral dans les chaussettes, ils continuent de signer des bons de commande chez les concessionnaires… même sans prime à la casse ! Et pas pour des citadines bradées : les Français achètent des SUV et autres « crossovers » (12% du marché au premier semestre, contre 8% l’an dernier), des berlines compactes modernes (succès de la Peugeot 308 restylée et de la nouvelle Citroën C4), des familiales (segment en hausse de 10%, notamment grâce au bon démarrage de la Peugeot 508) et des voitures de luxe (+25% avec, parmi les « hits » du moment, les nouveaux Volkswagen Touareg et Porsche Cayenne). Les Français se (re)découvrent une passion pour ces voitures un rien statutaires, joliment « marketées », sur lesquelles les constructeurs engrangent de belles marges. Bref : des autos aux antipodes de la philosophie Dacia !
Alors, la Logan n’était-elle qu’une « voiture de crise » ? L’éphémère marotte d’une société en fin de cycle, désireuse de « revenir aux fondamentaux » comme on s’offre une semaine d’isolement dans un ermitage… pour mieux replonger dans la trépidante vie active à son retour ? L’avenir nous le dira.
5 commentaires