Perle rare : Lamborghini Miura

Lamborghini Miura P400SV (1971)

Après l’élégante et raffinée Aston Martin DB5, après la longue et majestueuse Mercedes 600… et après une longue période de silence (désolé !), voici une nouvelle perle rare : la Lamborghini Miura. Le lancement de cette fabuleuse auto en 1966 fit à peu près le même effet que celui de la Citroën DS en 1955. Un choc d’une sidérante modernité en rupture totale avec l’existant. Carrosserie presque symétrique, moteur en position centrale arrière, ligne ultra-basse : la Lamborghini Miura a pavé le chemin pour toutes les supercars modernes.

Fils de viticulteurs, Ferrucio Lamborghini commença modestement comme simple garagiste, mais se distingua rapidement par son habileté et son inventivité. Il transforma ainsi la paisible Fiat Topolino familiale en un roadster qu’il engagea même lors des Mille Miglia 1948 ! L’aventure finit prématurément dans la devanture d’un restaurant après 1 100 km de course, détournant définitivement Ferrucio Lamborghini de la compétition.

C’est grâce aux tracteurs (à partir de 1948) et aux poêles à fioul (à partir de 1959) que Lamborghini fera fortune. Une fortune qui lui permet de s’offrir de belles autos : Alfa Romeo, Lancia, Mercedes, Jaguar, Maserati… et Ferrari. En 1958, l’industriel commande une 250 GTO, mais il déchante : si l’auto est belle et performante, elle se révèle également peu fiable et Lamborghini trouve le service après-vente indigne. Il fait part de ses récriminations à Enzo Ferrari, qui lui rétorque qu’une délicate sportive au cheval cabré ne saurait être conduite avec la même rudesse qu’un tracteur !

Piqué au vif, Ferrucio Lamborghini décide de fabriquer ses propres autos. Il s’offre une immense usine, recrute les meilleurs talents (souvent formés à l’école Ferrari !)… mais il leur tient la bride : la première auto à porter son nom, la 350 GT, est un coupé à moteur avant plutôt banal, dont le meilleur atout est le beau V12 conçu par Giotto Bizzarrini. Pas de quoi s’en relever la nuit.

Lamborghini 350 GT (1964)

Mais Lamborghini sous-estime sa « dream team » d’ingénieurs. Menés par le jeune Gian Paolo Dallara (29 ans), ils décident de faire des heures sup’, et travaillent dans le plus grand secret à un nouveau modèle. Son nom de code : P400. Probablement inspirés par la Ford GT40, ils imaginent une auto à moteur central capable de se distinguer autant en compétition que sur la route. Ils implantent le V12 Bizzarrini en position transversale, en y intégrant la boîte de vitesses et le différentiel pour un maximum de compacité. Lamborghini est convaincu et accepte de présenter ce châssis roulant au salon de Turin 1965. Certains visiteurs sont tellement emballés qu’ils passent commande alors même que l’auto n’a pas encore de carrosserie !

Châssis nu d’une Lamborghini Miura (photo CC Miuragirl/Wikipedia)

Le style est confié à Bertone : c’est d’abord Giorgetto Giugiaro qui y travaille, avant d’être remplacé  après son départ pour Ghia par un certain Marcello Gandini, 27 ans. Le designer travaille d’arrache-pied pour que l’auto soit prête pour le salon de Genève 1966. Il esquisse un véritable OVNI, qui ne ressemble à aucune autre voiture existante : l’auto est extrêmement basse (1,05 m), très courte et large. Mais elle se distingue également par le soin apporté aux moindres détails, comme les portières en forme de corne de taureau ou les « sourcils » autour des optiques avant rétractables. Le planning est tellement serré que l’auto présentée au salon helvétique n’a pas de moteur. Les ingénieurs n’ont d’ailleurs même pas eu le temps de vérifier si le V12 tenait bien dans le compartiment moteur dessiné par Gandini ! Qu’importe : la Lamborghini P400 est la star de Genève, au point que la Ferrari 365 California, présentée au même moment, prend instantanément un coup de vieux. Ferrucio donne le feu vert pour la production.

Lamborghini Miura P400SV (1971)

Baptisée Miura – du nom d’un éleveur de taureaux de combat réputé – et ornée du tout nouveau logo Lamborghini (l’actuel, en fait), la P400 est commercialisée fin 1966. Elle revendique une vitesse maxi de 290 km/h, une valeur surréaliste à cette époque où peu de voitures dépassaient les 130 km/h. Son magnifique V12 Bizzarrini de 350 ch mériterait un billet à lui tout seul, mais le travail a déjà été fait par l’excellent magazine britannique Evo (numéro 155, page 74 !).

Lamborghini Miura P400SV (1971)

Malgré sa modernité, la voiture est cependant loin d’être parfaite. Voici les souvenirs qu’en avait André Costa – le père spirituel de tous les journalistes-essayeurs français – à l’aube des années 90, tels que racontés dans un hors-série de l’Auto-Journal :

« J’ai personnellement atteint au volant d’une Miura la coquette vitesse de 267 km/h mais, dans ces conditions d’utilisation, les réactions de la voiture prouvent qu’on peut être excellent styliste sans avoir pour autant la main aérodynamiquement heureuse… En effet, les longues courbes abordées à une très grande vitesse laissent apparaître de la part de l’avant une regrettable tendance à s’alléger, d’où tendance au sous-virage et, même, sous l’influence éventuelle du vent, perte de contrôle plus ou moins caractérisée. »

À cette « petite » faiblesse, il faut encore ajouter des freins insuffisants et un moteur fournissant finalement 30 ch de moins qu’annoncé. Mais Lamborghini ne cessera de perfectionner la Miura au fil des générations. La P400S introduite fin 1968 est mieux finie et plus puissante. Mais c’est surtout avec la P400SV, dotée de 385 ch et d’un différentiel autobloquant, que la Miura atteint son apogée.

Lamborghini Miura P400SV (1971)

La Lamborghini Miura tirera sa révérence en 1972, après que 764 exemplaires soient sortis de l’usine de Sant’Agata. Deux ans plus tard lui succèdera un autre mythe : la Lamborghini Countach !

Allez, en bonus vidéo, voici l’essai Top Gear de la Lamborghini Miura par Richard Hammond, accompagné pour l’occasion d’un musicien bien connu 🙂