Séquence nostalgie : Opel Lotus Omega
Un néophyte ne verra dans l’Opel Lotus Omega que le délire d’un Jacky arrivé au dernier stade de la démence obsessionnelle. Mais à sa sortie en 1990, cette berline survitaminée défraya la chronique, et bien au-delà du cercle de la presse spécialisée ! Plus puissante que toutes ses rivales d’alors, y compris la fabuleuse Alpina B10 Biturbo, l’Omega Lotus se payait même le luxe d’être plus performante qu’une Ferrari Testarossa. Ce bâton de dynamite déguisé en berline familiale fut même l’objet de débats enflammés au parlement britannique, les Autorités étant choquées par une telle débauche de puissance ! Une banale Opel déclenchant un scandale ? Divines années 90 !
Mais reprenons le feuilleton du début. Au début des années 80, Lotus connaît de grosses difficultés financières. La firme a collaboré avec DeLorean, et se retrouve éclaboussée par le scandale financier qui suit. Pour ne rien arranger, son fondateur Colin Chapman est emporté par une crise cardiaque en décembre 1982, à l’âge de 54 ans. Quatre ans plus tard, Lotus est racheté par General Motors, qui lance les talentueux ingénieurs britanniques sur des projets très variés, dont la conception de la Corvette ZR-1. Mais GM a également une autre idée derrière la tête…
À cette époque, l’image de marque d’Opel (Vauxhall au Royaume-Uni) est plutôt terne. Dans le haut de gamme, les vieillissantes Senator et Omega ont du mal à se faire une place face aux rivales européennes. GM confie donc à Lotus le soin de développer une version à hautes performances de l’Omega, afin de dynamiser la marque Opel.
Lotus a visiblement bénéficié d’un joli budget de développement : en partant du 6 cylindres en ligne 3 litres motorisant alors les berlines haut de gamme d’Opel, la firme britannique développe une version dotée d’une course allongée. La cylindrée passe à 3 615 cm3, mais les ingénieurs ne s’arrêtent pas en si bon chemin : ils greffent deux turbos reliés à des échangeurs air/eau. Le paisible 6 cylindres Opel devient alors une machine de guerre crachant 376 ch et pas moins de 557 Nm de couple. La courbe de couple est particulièrement plate, puisque 300 Nm sont déjà disponibles à… 1 000 tr/min ! La boîte 6 rapports est reprise de la Chevrolet Corvette : il s’agit en réalité d’une « 5+1 », avec une sixième surmultipliée.
Pour supporter cette puissance – quasiment doublée par rapport à l’Omega 3000 24V – les trains roulants sont renforcés, tout comme les freins, à disques ventilés aux quatre coins. Le train arrière accueille un différentiel autobloquant et des pneus de 275 de large. Par contre, à part l’ABS, aucune assistance électronique n’est fournie… pas même un simple antipatinage !
Extérieurement, l’Opel Lotus Omega adopte un kit carrosserie complet, destiné à améliorer l’aérodynamique à haute vitesse et à favoriser l’évacuation des calories dégagées par le moteur. À l’exception des sièges habillés de cuir Connolly, l’habitacle reste en revanche strictement identique à celui des autres Omega. Pas de quoi pavoiser, même à l’époque !
Les performances ? 283 km/h en vitesse de pointe, un 0 à 100 km/h en 5,4 secondes (3 dixièmes de moins que la Ferrari 512 TR !) et un 0 à 160 km/h en 11,3 secondes. Des chiffres qui ne laissent personne indifférent : si les amateurs d’automobiles affichent un sourire médusé, tout le monde n’est pas du même avis. Les associations de sécurité routière crient au scandale. Au Royaume-Uni, la Chambre des Communes ouvre le débat sur la pertinence de cette berline quatre portes aux performances de supercar. De son côté, l’association britannique des officiers de police estime que la Lotus Omega est « une outrageuse invitation à l’excès de vitesse ». À demi-mot, les « Bobbies » admettent surtout leur rage de ne pouvoir prendre en chasse les braqueurs, qui font vite de la Lotus Omega leur arme de prédilection !
De leur côté, les clients ne se bousculent pas. Il faut dire qu’à 472 000 Francs (prix catalogue en 1992), la Lotus Omega coûte presque deux fois plus cher que les autres modèles de la gamme, et s’affiche quasiment au même tarif qu’une BMW M5 3.8. L’autre problème, c’est qu’à la folle croissance des années 80 succède la crise des années 90. Opel espérait vendre 1 100 exemplaires de sa bombe, mais ne trouvera finalement que 950 acheteurs, dont 630 pour la version à conduite à gauche.
Pour finir, je vous laisse regarder ce reportage du magazine britannique Fifth Gear, où la délicieuse Vicki Butler-Henderson oppose la Lotus Omega (appelée Lotus Carlton Outre-Manche) à sa lointaine héritière, la Vauxhall VXR8.
Un grand merci à mes amis de Twitter pour la documentation : @IAmSimonHarris, @Carfolio, @Captain_Peanut !
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