Séquence nostalgie : Mercedes 500 E W124
Je ne sais pas vous, mais moi je trouve que les berlines survitaminées actuelles du genre BMW M5 ou Mercedes E 63 AMG manquent de discrétion. Grosses prises d’air, kit carrosserie agressif, roues XXL, palanquée d’échappements : on se croirait presque sur le parking de Carrouf’ un vendredi soir de meeting tuning ! Bon, d’accord, j’exagère un peu 😉 Mais toujours est-il que cet attirail apparaît totalement déplacé sur des voitures de ce standing. Il est donc rafraîchissant de se repencher quelques années en arrière (vingt ans, en fait !) pour retourner aux sources de la berline hautes performances. Prenez la Mercedes 500 E W124, par exemple : un vrai « sleeper » couleur de muraille, qu’un chauffeur de taxi pourrait presque confondre avec sa voiture de fonction. Oui, sauf que cette berline de taxi-là affiche au bas mot 320 chevaux !
Elle est devenue quasiment mythique, et pourtant cette 500 E n’aurait jamais du voir le jour. Elle a été présentée fin 1990, alors que la Mercedes W124 affichait déjà six ans au compteur, et la firme de Stuttgart n’avait certainement pas prévu de glisser un V8 dans cette coque plutôt taillée pour des 6 cylindres en ligne. Mais voilà : AMG, alors indépendant de Mercedes, avait prouvé que l’opération était possible, en glissant le V8 5,6 litres des Classe S dans sa W124 « Hammer ». Et en face, BMW dégainait ses M5, fortes de 286, puis 315 ch. Mercedes s’est senti obligé de réagir !
Dans le même temps, une autre marque de Stuttgart connaît de grosses difficultés. Outil de production dépassé, gamme vieillissante : à la fin des années 80, Porsche a triste mine. Par esprit de solidarité, et en mémoire des excellentes relations qu’entretenaient Ferdinand Porsche avec Daimler (dont il fut directeur technique), Mercedes confie au bureau d’études Porsche la conception de la 500 E. Les ingénieurs choisissent le tout nouveau V8 M119, qui vient d’être inauguré sur le SL R129 : 5 litres, 32 soupapes, 4 arbres à cames en tête, c’est un moteur tout ce qu’il y a de plus moderne, qui délivre 326 ch. Pour l’insérer dans la caisse de la Mercedes W124, il faudra non seulement utiliser un chausse-pied, mais aussi… une disqueuse : le volumineux ensemble moteur-boîte impose de découper le tablier.
Le processus de fabrication de la 500 E est d’ailleurs tout un poème. En gros : Mercedes fournit des coques de 300 E à Porsche, qui les prépare et pose les trains roulants spécifiques. Puis retour chez Mercedes pour installer le moteur et la boîte, avant de renvoyer le tout à Porsche, qui assure l’assemblage final… avant de renvoyer les autos terminées chez Mercedes pour inspection finale ! Autant dire que selon toute vraisemblance, le projet 500 E n’a jamais été rentable… malgré un tarif de 568 700 Francs en 1993, soit près de 110 000 de nos euros.
J’ai eu la chance de conduire une superbe 500 E de 1993 pour le numéro 4 du magazine Étoiles Passion. Je dois dire que j’appréhendais quelque peu ce moment. Ne dit-on pas qu’il ne faut jamais rencontrer ses idoles ? J’imaginais déjà une berline rapide mais débonnaire, au nez lourdaud à l’inscription en virage, à l’essieu arrière vindicatif et affublée d’une direction assistée à billes dépourvue de feeling.
C’est tout le contraire. La 500 E m’a bluffé. D’abord, son style a quelque chose d’intemporel dans sa sobriété. Seule la présentation intérieure, avec la planche de bord anguleuse, trahit l’âge du modèle. Pour le reste, la 500 E est un fauve faisant patte de velours… jusqu’à démarrer en seconde pour ne pas brusquer ses passagers. Mais s’il vous prend l’envie de mettre le « pied à la planche », la bête bondira de 0 à 100 km/h en 6,1 secondes, sans faire tomber la cendre de votre cigare. La direction est précise, le châssis d’un étonnant équilibre, le confort plus qu’excellent (suspension arrière hydropneumatique). Le compromis parfait entre performances, agilité et confort !
Quelques 10 479 Mercedes 500 E ont été produites d’octobre 1990 à avril 1995. Autant dire que vous n’en croiserez pas à tous les coins de rue ! La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible d’en trouver de belles autour de 10 000 € ! Pour achever de vous convaincre, voici une petite vidéo que j’ai trouvé : la course-poursuite finale du film Taxi, où apparaissent les 500 E du gang de braqueurs allemands. Ne manque plus que le son du V8 !
http://www.youtube.com/watch?v=T7aPIiX6tRc
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