Perle rare : la Mercedes 600 W100

Mercedes 600 Pullman blindée

Perle rare : la Mercedes 600 W100

Mercedes 600, illustration de Heinz Liska (1963)

Mercedes 600, illustration de Heinz Liska (1963)

Après avoir évoqué une star du cinéma dans mon précédent billet de cette rubrique, je vais maintenant vous raconter l’histoire d’une reine du Gotha : la Mercedes 600. Une voiture véritablement hors du commun, pour laquelle rien ne fut trop beau, ni trop cher. Elle fut l’auto préférée des grands de ce monde, du pape Paul VI à John Lennon en passant par le Shah d’Iran. La Mercedes 600 était tellement en avance sur son temps qu’elle connut une carrière exceptionnellement longue, de 1963 à 1981. Durant ces 18 années, cette limousine ultra-sélect ne fut produite qu’à 2 677 exemplaires.

Pour mieux comprendre la fascination qu’a pu exercer la Mercedes 600, il faut se replacer dans le contexte de l’époque. Après l’effondrement de 1945, l’Allemagne a opéré un spectaculaire redressement, le « miracle économique » (Wirtschaftswunder en Allemand). Le pays se replace rapidement en position de leader mondial de l’industrie et de la technologie.

Dans ce contexte, les constructeurs automobiles d’Outre-Rhin remontent progressivement en gamme. Mercedes possède déjà les berlines haut de gamme W111 (« heckflosse »), mais la marque veut séduire la richissime clientèle internationale, qui se tourne d’ordinaire plutôt vers Cadillac ou Rolls-Royce. Pour s’imposer sur ce marché très fermé, Mercedes va tout miser sur la technologie.

Extérieurement, pourtant, la 600 ne paie pas de mine. Certes, la bête en impose, avec ses dimensions colossales (5,54 mètres de long, soit l’équivalent de deux Smart !), mais le style tout en réserve signé Paul Bracq se veut aux antipodes des excessives Cadillac et des trop démonstratives Rolls-Royce. Dès le lancement, la Mercedes 600 est livrable en trois versions : la limousine « courte », la version Pullman rallongée, à quatre ou six portes (6,24 mètres de long !) et enfin la version Laudaulet, basée sur une Pullman mais dotée d’une partie arrière décapotable. Voiture d’apparat, cette dernière variante est de loin la moins répandue : 59 exemplaires seulement. Ci-dessous, le pape Paul VI en train de recevoir son exemplaire.

Mercedes 600 Pullman Landaulet du pape Paul VI

Mercedes 600 Pullman Landaulet du pape Paul VI

Esthétiquement imposante, mais sans excès d’ostentation, la Mercedes 600 est surtout le fruit d’un travail acharné des ingénieurs dirigés par Rudolf Uhlenhaut. Pour ce vaisseau amiral, ils ont spécialement développé un nouveau moteur : le V8 M100 de 6,3 litres. Un bloc solide comme le roc, lubrifié par carter sec, assemblé à la main et testé au banc moteur durant 265 minutes… dont 40 à plein régime. Pour gérer le couple, monstrueux pour l’époque (500 Nm), les ingénieurs adoptent une boîte quatre rapports à coupleur hydraulique.

Côté châssis, Mercedes va directement frapper chez Citroën pour racheter le brevet de la suspension hydropneumatique. L’hydraulique gère également tous les équipements de confort à bord. Vitres, sièges, verrouillage centralisé ou encore couvercle de malle fonctionnent grâce à un circuit séparé. Pour éviter que propriétaires et mécaniciens ne s’arrachent les cheveux en cas de problème, le fluide hydraulique est autocolmatant : en cas de fuite sur le circuit, il se solidifie au contact de l’air ambiant. Il fallait y penser !

Chaque 600 étant assemblée à la main par 50 mécaniciens et artisans, tous les aménagements intérieurs sont possibles. Il faut compter en moyenne 55 heures pour fabriquer une W100…

Dès sa sortie en 1963, la Mercedes 600 séduit une clientèle de stars et de businessmen à la recherche d’un moyen de transport rapide. À cette époque sans TGV ni limitations de vitesse, une 600 Pullman conduite par un chauffeur était souvent le moyen le plus confortable et rapide de parcourir de grandes distances. Les 600 rejoignent rapidement les flottes des chefs d’état européens, ainsi que les garages de célébrités diverses et variées : Coco Chanel, Hugh Hefner (le fondateur de Playboy), Elizabeth Taylor, George Harrison, Aristote Onassis, Jack Nicholson ou encore Elvis Presley.

Mercedes-Benz 600 Pullman Limousine (1963)

Mercedes-Benz 600 Pullman Limousine (1963)

Dans les années 70, le rythme des commandes se ralentit, pour plusieurs raisons. D’abord, Mercedes propose à partir de 1972 la W116, première vraie Classe S, qui apparaît à l’époque plus moderne que la 600. Ensuite, le choc pétrolier de 1973 réduit encore le marché pour les limousines trop gourmandes en carburant.

Mais la Mercedes 600 a également de mauvaises fréquentations. Outre les membres éminents du star-system, la W100 véhicule également les dictateurs les plus sanguinaires de la planète : Nicolae Ceaucescu, Tito, Fidel Castro, Pol Pot, Enver Hoxha, Leonid Brejnev, Kim Il-sung ou encore Idi Amin Dada. Dans l’inconscient collectif, la 600 devient un symbole des pays aux régimes autoritaires et corrompus. Pas forcément la meilleure publicité, vous en conviendrez… En 1981, Mercedes baisse le rideau.

J’ai eu l’insigne honneur d’essayer une 600 il y a quelques années. J’en garde un souvenir ému. Les performances n’ont vraiment rien d’étonnant, surtout aux standards actuels (il faut également se rappeler que sur les 250 ch du V8, une quarantaine est « avalée » par les divers circuits hydrauliques !). Ce qui impressionne, c’est le confort impérial, l’étonnante facilité de conduite au quotidien et la décontraction avec laquelle la W100 peut croiser à des allures aujourd’hui répréhensibles… en France du moins. La Mercedes 600 était vraiment le TGV de l’époque.

Envie de vous glisser dans la peau d’Aristote Onassis ? Prévoyez un budget d’achat minimal de 50 000 à 60 000 € pour trouver un exemplaire bien entretenu. Mais surtout, gardez des sous de côté pour la maintenance ! La complexité technique de la 600 en fait un véritable cauchemar de mécanicien, et la plupart des pièces ont été spécialement conçues pour cette auto. Pour un reportage sur la 600 dans le magazine Étoiles Passion, je m’étais renseigné auprès d’Autodrome Cannes, qui vendait alors un exemplaire ayant appartenu au Shah d’Iran. Voici quelques prix de pièces que l’on m’avait alors indiqué :

  • bouton de commande des vitres latérales : 7 500 € HT
  • étrier de frein : 4 500 € HT (il y en a six !)
  • serrure de malle arrière : 4 500 € HT

Une révision complète peut aisément coûter le prix d’une voiture neuve. Si bien qu’aujourd’hui encore, seules les stars ont les moyens de rouler dans une Mercedes 600 ! Démoralisé ? Allons, consolez vous avec You give me something de Jamiroquai : dans ce clip, on aperçoit la W100 du chanteur Jay Kay à partir de 2:25. Enjoy !

5 commentaires

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Bob

Merci pour ce très bon article sur cette voiture exceptionnelle.

Cependant, il me semble qu’une petite erreur se soit glissée. Vous écrivez : » Mercedes 600 Coupé : seuls deux exemplaires furent construits, dont l’un fut offert à l’ingénieur Rudolf Uhlenhaut pour son départ à la retraite.  »

Il me semble que le coupé a été offert à Fritz Nallinger lors de son départ à la retraite en 1965 et non à Rudolf Uhlenhaut. Ce dernier aurait quand à lui reçu un coupé 300 SLR.

Concernant la construction de deux exemplaires là c’est assez flou, il existe bien un coupé rouge au USA, mais il a été fabriqué à partir d’une limousine.

Très beau blog que je découvre
Sincères salutations

Bob

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mb770

Bonjour
Très bel article sur la w100
Ravi de vous accueillir sur mon blog consacré à son prédécesseur
mb770k.canalblog.com
En effet la w189 quoique très belle de situait juste en dessous
Bien à vous
JLuc

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